En Allemagne et en Suisse, le sexe ne figure pas sur la carte d’identité. Ce qui permet aux personnes qui ne correspondent pas aux stéréotypes attendus de ne pas devoir se justifier dès qu’ils sortent ce document. La Belgique ne pourrait-elle pas étudier cette possibilité ?
Zoé Genot (Ecolo-Groen !) : Madame la ministre, la carte d’identité belge fait état du sexe de son possesseur et pour certains de ceux-ci, cette mention est un véritable défi ou une réelle souffrance, et cela lorsqu’ils ne correspondent pas à l’attente de certains de leurs interlocuteurs vis-à-vis de ce sexe mentionné. Très concrètement, on demande à des personnes qui sont en changement d’identité de genre de vivre en real life, c’est-à-dire de vivre avec le genre souhaité pendant un certain temps. Quand ils vont chercher un recommandé à la poste, qu’on lit ’"monsieur" sur la carte et qu’on voit entrer une dame, les réactions des préposés peuvent être assez fortes. Pour des personnes "intersexe", par exemple des femmes avec un peu de barbe, c’est une réelle souffrance qu’on leur demande sans cesse de se positionner par rapport au genre indiqué sur la carte d’identité.
Différents rapports internationaux recommandent qu’on ne fasse pas mention du sexe quand ce n’est pas indispensable. Dans certains cas, c’est utile, pas dans d’autres. J’aurais voulu examiner cette question avec vous. Madame la ministre, tous les pays européens mentionnent-ils de manière visible le sexe de l’individu sur ses documents d’identité ? Pourriez-vous lancer une réflexion sur la possibilité de ne plus faire mentionner de manière visible le sexe sur la carte d’identité ? Par exemple, l’adresse a figuré sur la carte d’identité jusqu’à ce qu’on décide qu’elle figurerait uniquement sur la puce de la carte électronique. C’est un exemple qui montre qu’il y a moyen de réserver certaines informations à la puce et de ne pas forcément les indiquer sur la carte d’identité.
Annemie Turtelboom, ministre : En application de la loi du 19 juillet 1991 relative au registre de la population et aux documents d’identité et de séjour, la mention du sexe sur la carte est à la fois visible à l’oeil nu et enregistrée sur la puce. Contrairement à l’adresse, le sexe est une donnée d’identité nécessaire à l’identification d’une personne. Dans les autres pays européens hormis la Suisse et l’Allemagne, la mention du sexe figure également de manière visible sur la carte d’identité. C’est notamment le cas dans les pays qui délivrent une carte d’identité munie d’une puce tels que l’Espagne, le Portugal, la Finlande et l’Estonie.
La résolution relative à l’établissement et à l’harmonisation des cartes nationales d’identité adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe prévoit par ailleurs que le sexe du porteur de la carte doit figurer au recto de celle-ci. Il ne m’apparaît dès lors pas indiqué de ne faire mention du sexe que sur la puce du document. Une telle mesure irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par la résolution que je viens d’évoquer et qui vise à l’harmonisation des cartes nationales d’identité en usage dans les États membres du Conseil de l’Europe.
Zoé Genot (Ecolo-Groen !) : L’Institut pour l’égalité des chances entre femmes et hommes vient de se livrer à une recherche intéressante sur cette question des difficultés que rencontrent les transgenres. Je voudrais vous encourager à la lire et à réfléchir à ces difficultés. Si des pays comme la Suisse et l’Allemagne ne font pas mention du sexe, c’est peut-être que ce n’est pas absolument indispensable. J’aimerais donc qu’on se penche sur cette question et éventuellement en discuter avec d’autres pays européens. Cela ne fait pas longtemps que des pays s’intéressent à la réalité des personnes transgenres mais ils y sont de plus en plus sensibles. Je serais heureuse que nous fassions partie des pionniers dans cette réflexion.