Le 20 juillet 2023, une loi réformant les procédures de changement de prénom et d’enregistrement de sexe à l’état civil a été votée.
Ces changements donnent suite à certaines remarques soulevées par la Cour Constitutionnelle à propos de la loi de 2017 « réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’une modification de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets ». Par conséquent, la loi s’inscrit dans une démarche qui devrait réformer les points jugés inconstitutionnels pour la Cour, nommément le principe d’irrévocabilité et la binarité des choix d’enregistrement de sexe.
Le changement le plus fondamental apporté par la loi de 2023 est la suppression du principe d’irrévocabilité. Avant cette année, il était impossible de poursuivre les procédures de changements de prénom et d’enregistrement de sexe plus d’une fois.
Aujourd’hui, chacun.e est libre d’entamer ces démarches en fonction du besoin de la personne de faire correspondre ses données administratives à son identité et ce, tout en tenant compte de la fluidité de ces aspects de l’identité. La procédure « classique » est donc disponible sans limite et la sollicitation de tribunal de la famille n’est plus requise.
Pour ce qui est des procédures-mêmes, quelques modifications ont été apportées.
Changements de prénom(s)
– Lors du dépôt de la déclaration sur l’honneur attestant que la personne concernée « a la conviction que son prénom (avant : enregistrement de sexe) ne correspond pas à son identité de genre vécue intimement. » Cette modification permet de distinguer d’autant plus clairement les deux procédures. Elles n’étaient pas liées par la loi de 2017
– Les prénoms peuvent donc être changés plusieurs fois conformément à la suppression du principe d’irrévocabilité.
– Le prénom ne doit plus être estimé « conforme » à l’identité de genre de la personne par l’officier.e d’état civil.
Changements de l’enregistrement de sexe
– Lors du dépôt d’une déclaration sur l’honneur attestant que la personne concernée « a la conviction que l’enregistrement de sexe présent sur sa carte d’identité ne correspond pas à son identité de genre vécu intimement. »
=> la déclaration sur l’honneur ne doit plus mentionner que cette conviction est vécue « depuis un certain temps déjà. »
– La seconde déclaration sur l’honneur prévue par la loi de 2017 est remplacée par une simple comparution auprès de l’officier.e d’état civil.
– L’enregistrement de sexe peut donc être changé plusieurs fois conformément à la suppression du principe d’irrévocabilité.
Bien que les changements apportés répondent, au moins partiellement, aux points discriminatoires soulevés par la Cour Constitutionnelle, il est tout de même important de soulever que le mot de la loi ne suffit pas à éliminer la discrimination effective.
Dans le cas de l’enregistrement de sexe, un changement de la mention demande un nouveau numéro de registre national, lui-même binaire. Ces changements de numéro de registre national représentent la « création » d’une nouvelle personne au niveau légal. Il convient donc de questionner dans quelle mesure la structure administrative existante est prête à accueillir des situations plus fluides, d’autant plus que des problèmes graves surviennent déjà régulièrement dans des changements unilatéraux (ex. disparition de dossier avant la création des nouveaux, deux dossiers coexistants, etc.).
Dans le cas où la suite de la réforme aurait pour objectif l’élargissement du cadre légal aux personnes non-binaires, un certain nombre de questions doivent être éclaircies. Compte tenu du caractère binaire des numéros de registre national, comment serait représentée une potentielle tierce catégorie neutre ? Le numéro de registre national pourrait-il être débinarisé ? Si non, comment faire en sorte de valoriser cette expérience non-binaire ?
Par ailleurs, une réflexion plus large sur cette question bénéficierait à tout le monde. Aujourd’hui, certains remboursements de soin de santé dits « sexuellement spécifiques » sont accordés sur base du numéro de registre national binaire. Cela conduit à des situations où les personnes concernées n’ont pas un accès approprié aux soins de santé dont elles ont besoin, personnes trans* ou cis*. En effet, un homme cisgenre ne bénéficierait pas d’un remboursement dans le cas d’un cancer de la poitrine qui est, jusqu’à présent, considéré comme un soin de santé pour « femmes ».
En conclusion, Genres Pluriels salue l’attention portée aux droits des personnes trans* dans le politique et la volonté d’améliorer les cadres mis en place mais nous souhaitons par ailleurs mettre en lumière ce qui se passe au-delà de ces cadres et leurs limites. Nous souhaitons ré-insister sur notre intention d’agir en tant que ressources dans l’élaboration et l’exécution de ces réformes en partageant les expériences de terrain dont nous sommes témoins.