1. Quels soins de santé sont accessibles aux personnes transgenres et intersexes au 21è siècle ?
1.1. Mutilations génitales d’enfants intersexes encore d’actualité en Belgique.
Les personnes possédant une variation au niveau du sexe phénotypique, chromosomique ou gonadique sont dites « intersexes ». Ces variations peuvent être observables dès la naissance, ou devenir apparentes plus tard au cours de la vie.
Ces variations sont diverses, et dans la majorité des cas, elles ne mettent pas en cause la bonne santé des personnes intersexes. Elles constituent des variations naturelles du développement sexuel. Pour autant, les caractéristiques sexuelles des personnes intersexes ne correspondent pas aux normes sociétales, essentiellement binaires, qui régissent l’assignation d’une identité masculine ou féminine.
De cette divergence entre les normes sociétales et les caractéristiques sexuelles des personnes résulte une pression normalisatrice, qui se traduit dans l’immense majorité des cas par une injonction de modification de ces caractéristiques. Les injonctions aux modifications normalisatrices sont contraires aux droits fondamentaux et illicites pour plusieurs raisons :
– premièrement, les démarches de modification des caractères sexuels des personnes intersexes se traduisent généralement par des interventions physiques de nature médicale, et cela en dépit du fait que les personnes concernées sont, pour l’immense majorité, en bonne santé physique. De telles interventions constituent des atteintes à l’intégrité physique, dès lors qu’elles ne sont pas justifiées par des impératifs de santé et ne font pas l’objet du consentement des personnes ;
– deuxièmement, les démarches de modification des caractères sexuels sont fréquemment accomplies pendant la minorité des personnes concernées. Les traitements appliqués aux caractéristiques sexuelles phénotypiques des personnes intersexes sont régulièrement appliqués très précocement, y compris à des nourrissons, bien avant que le consentement éclairé soit envisageable. La littérature médicale témoigne de ces pratiques ;
– troisièmement, dans tous les cas où les interventions modificatrices des caractéristiques sexuelles ne répondent à aucune nécessité de santé physique, ces interventions sont justifiées par des spéculations sur les difficultés d’adaptation sociale qu’encourraient, dans le futur, les personnes concernées, en raison d’une assignation sexuelle ou de genre ambiguë. Une telle justification est à l’évidence nulle dès lors qu’elle s’applique à des enfants ne pouvant consentir, et dont l’identité de genre ne s’est pas encore exprimée.
L’ensemble de ces constats met en évidence une application défaillante des principes de la législation belge concernant les droits des patients, qu’un écart par rapport aux normes sociétales ou aux conventions médicales ne saurait en aucun cas justifier.
Genres Pluriels et les trois coupoles associatives LGBTI+ du pays, la RainbowHouse Brussels, Arc-en-Ciel Wallonie et Çavaria, ont émis fin 2018 une proposition de résolution intersexe visant à reconnaître le droit à l’intégrité physique des mineur·e·s intersexes et à permettre une adaptation de la législation afin qu’elle soit conforme à la résolution 2191 (2017) de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe.
1.2. Manque d’accès aux soins de santé pour les personnes transgenres et intersexes : la méconnaissance, porte ouverte aux discriminations.
Selon la Convention Européenne des Droits de l’Homme, chacun·e a le droit de disposer de son corps (art.8). À ce jour cependant, encore trop souvent, les personnes transgenres et/ou intersexes n’ont pas la liberté de disposer de leur corps.
Si la loi belge permet enfin aux personnes transgenres de pouvoir modifier leur carte d’identité au niveau du prénom et/ou du « sexe enregistré » sur base de l’auto-détermination de qui elles sont depuis 2018, l’accès aux soins de santé transspécifiques doit lui aussi être facilité.
Les personnes qui, éprouvant un questionnement par rapport au genre qui leur a été assigné à la naissance, souhaitent faire une transition féminisante ou masculinisante, et ce par la voie des traitements hormonaux et/ou de la chirurgie, ne devraient pas avoir à se justifier outre mesure et se soumettre à un suivi psychiatrique imposé, dès lors qu’elles ont pris connaissance de toutes les informations nécessaires à un choix éclairé, de la part de professionnel·le·s compétent·e·s de leur choix.
Actuellement, cette prise en charge de qualité, non-pathologisante et non-psychiatrisante, n’est pas encore celle qui est la plus souvent proposée aux personnes transgenres et/ou intersexes. Il y a certainement un lien à faire avec l’absence ou la méconnaissance de ces thématiques dans les cursus, notamment de médecine, de psychiatrie et de psychologie.
Une formation adaptée aux acteurs/trices psycho-médico-sociaux/ales permettrait de dépathologiser les thématiques transidentitaires et intersexes, encore trop souvent connotées pathologiquement, stigmatisées, et assimilées respectivement soit à un trouble de la santé mentale, concernant les transidentités, soit à une pathologie physique, concernant les intersexuations.
En pratique, dans notre contexte, un accueil bienveillant reviendrait donc entre autres à :
– considérer le fait qu’il y ait diverses formes de corporalités sans que celles qui sortent des normes soient appréhendées comme pathologiques ;
– respecter l’identité de genre des personnes, à savoir leur prénom social (qu’il figure sur leur carte d’identité ou non) et leur pronom (elle / il / iel pour les personnes non-binaires) de confort.
Enfin, lorsque l’accueil des personnes transgenres est adapté, celles-ci rencontrent de fréquentes difficultés de remboursement de leurs soins transspécifiques. En effet, non seulement la loi relative aux personnes transgenres de 2017 ne prévoit pas ces remboursements, mais encore les personnes qui modifient leur carte d’identité risquent à ce jour de ne plus jouir du remboursement de soins dont les codes INAMI sont genrés (ex : soins liés à la prostate pour une femme transgenre).
2. Le Réseau Psycho-médico-social Trans* et Inter* belge pour un meilleur accès aux soins de santé trans- et interspécifiques.
Afin de pouvoir accueillir et réorienter la population transgenre et intersexe issue de toute la Belgique vers des services psycho-médicaux-sociaux sensibilisés et formés à l’approche respectueuse et donc non-psychiatrisante et non-pathologisante des transidentités et des intersexuations, Genres Pluriels a créé le Réseau Psycho-médico-social (PMS) Trans* et Inter* belge.
Le Réseau PMS Trans* et Inter* belge vise :
– un accueil respectueux, approprié et dépathologisant des personnes transgenres et intersexes par des professionnel·le·s des secteurs psycho-médico-sociaux formé·e·s aux transidentités et aux intersexuations ;
– un échange de savoir entre ces professionnel·le·s ;
– une possibilité pour les personnes précarisées de recevoir des soins trans- et interspécifiques dans des structures à basses exigences ;
– une délocalisation des soins appropriés aux personnes transgenres et intersexes en s’appuyant sur les médecins généralistes, les maisons médicales, les services de santé mentale, les plannings familiaux,... qui sont les plus proches des personnes, afin qu’elles ne soient plus dans l’obligation de se déplacer loin.
Les modalités pratiques des collaborations entre les différent·e·s professionnel·le·s au sein du Réseau sont régies par une charte dont les fondements juridiques sont les lois internes adoptées par le législateur belge ainsi que les textes internationaux applicables en Belgique suivants :
– Loi relative aux droits du patient (2002) ;
– Loi anti-discrimination (2007) ;
– Convention Européenne des Droits de l’Homme : principe d’égalité, non discrimination (art. 14), protection de la vie privée et familiale (art. 8), respect de l’intégrité physique de la personne (art. 3 et 4) ;
– Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne : principe d’égalité, non-discrimination, droit à l’intégrité de la personne (art. 3) ;
– Principes de Jogjakarta (2006) ;
– Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) ;
– Recommandations du précédent Commissaire aux Droits de l’Homme Thomas Hammarberg faites dans son rapport intitulé "Droits de l’Homme et Identité de Genre" ;
– Recommandations du Commissaire aux Droits de l’Homme dans son rapport intitulé « Droits de l’Homme et personnes intersexes ».
3. S’informer ou se former sur les questions trans* et inter*.
Afin lutter plus efficacement contre la méconnaissance liée aux transidentités et aux intersexuations, Genres Pluriels propose plusieurs outils aux professionnel·le·s des secteurs psycho-médico-sociaux, aux personnes transgenres et/ou intersexes et à leur entourage ainsi qu’au grand public, pour une information de qualité, fiable, la plus complète possible, et respectueuse des identités de genres et caractéristiques sexuelles dans toute leur diversité :
– la brochure d’information sur les transidentités « Transgenres/Identités pluriel.le.s – Accueil, droits, santé, jeunesse, emploi… Tous.tes bien informé.e.s » ;
– la brochure d’information sur les intersexuations « Visibilité intersexe. Information de base. » ;
– le « Guide de santé sexuelle pour les personnes trans* et leurs amant·e·s. Réduction des risques sexuels liés aux IST / au VIH. » ;
– des ateliers d’informations tout-public « Trans* pour les NulLEs » ;
– des formations professionnelles aux transidentités et aux intersexuations.