08.09 Zoé Genot (ECOLO) : Monsieur le président, quand j’ai vu le texte de la première proposition de loi apparaître, je me suis réjouie de cette idée de reconnaître la transsexualité et d’organiser un débat fouillé sur ce thème. Le Parlement allait enfin prendre une position claire pour permettre aux personnes transsexuelles de mieux vivre. Le sentiment de se sentir plus proche d’un autre sexe que du sien est déjà douloureux en soi ; il était normal que le législateur se penche sur ce dossier et essaie de faire évoluer leur situation de manière à diminuer leur souffrance.
Toutefois, après avoir rencontré les acteurs de terrain, on a dû se rendre compte que le texte était peu approprié. Heureusement, les membres de la commission ont désiré organiser de nombreuses auditions qui ont permis d’améliorer significativement le texte et de ne pas y régler les aspects médicaux. J’estime en effet que les aspects médicaux doivent se traiter entre la personne concernée et l’équipe médicale.
Le texte reste encore peu satisfaisant pour les personnes concernées. Plutôt que de vous donner mon analyse, je vais vous lire la dernière lettre reçue par l’ASBL "Collectif Trans-Action" : "Nous prenons acte de la décision de la commission d’entériner la proposition de loi "transsexualité". Nos positions en la matière sont connues depuis longtemps et nous les assumons pleinement".
On peut retrouver leurs auditions ainsi que les auditions de M. Grollet (avocat), qui les soutenait à cette occasion, dans le rapport du Parlement. Je poursuis : "Contrairement à ce qu’affirmait Mme Vautmans, les transsexuels de Belgique n’ont aucune raison de se réjouir du texte tel qu’il a été approuvé. Il est évident que, dans ce dossier, l’intérêt du Parlement devait passer avant l’intérêt des transsexuels. C’est aujourd’hui chose faite. La Belgique a manqué une opportunité d’élaborer une loi qui aurait pu avoir valeur d’exemple pour les pays étrangers. On aurait pu un instant penser qu’avec le mariage et l’adoption, la Belgique était l’un des pays les plus avancés dans les matières lesbi-gay-trans. Nous savons aujourd’hui qu’il n’en est rien et que les vieux réflexes conservateurs ont la vie dure.
De toute évidence, la cause "trans" n’intéresse pas grand monde, y compris au Parlement. Ce manque d’intérêt se reflète naturellement dans la qualité du texte. Certes, nous revenons de loin et les améliorations par rapport au texte initial sont perceptibles. Nous reconnaissons le chemin accompli.
Dans le même temps, comment se défaire de l’impression que le législateur donne d’une main et reprend de l’autre. Alors, nous ne comprenons pas pourquoi la commission a jugé nécessaire de durcir davantage l’article 7 relatif au changement de nom, en le conditionnant à l’hormonothérapie préalable, alors qu’aujourd’hui un diagnostic certificat permet d’avoir ce changement de prénom et ce, assez logiquement, certaines personnes pouvant en effet très bien passer dans l’autre sexe sans hormones. Curieusement, le texte adopté rend le changement de prénom plus restrictif pour les personnes transsexuelles que pour toute autre personne qui désire changer de prénom pour un motif quelconque.
Nous ne pouvons dès lors accepter le postulat officiel selon lequel cette loi vise à simplifier la vie des personnes transsexuelles. Bien au contraire, cette formulation a été élaborée sans tenir compte de la pratique et du bien-être des personnes qui, en définitive, feront les frais de cette loi. Il aurait été souhaitable que le parlement prît davantage en compte la réalité du terrain pour se donner les moyens et l’ambition d’améliorer la procédure de changement de prénom pour les personnes concernées. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette procédure ne se déroule pas toujours rapidement ni sans tracasseries. Nous le savons par les expériences que nous ont relatées les personnes qui nous ont contactés.
Sans doute aurait-on pu arriver à une proposition plus humaine et plus pragmatique en organisant dès le départ une réelle concertation avec les personnes intéressées au premier chef par cette initiative législative. Au-delà des manifestations officielles de contentement, les transsexuels de Belges s’apercevront rapidement à l’épreuve des faits que les promesses annoncées ne se matérialisent nullement dans le texte actuel.
Lorsque nous avons rencontré Mme Vautmans le 22 avril 2005, elle trouvait pourtant que la version initiale de la proposition de loi n’était pas moins bonne que la version amendée aujourd’hui. Il est vrai que les lois ne dérangent au final que les gens auxquels elles sont appliquées. Par-delà ce billet d’humeur, nous espérons pour notre part avoir apporté une contribution positive au débat. Et nous continuerons à oeuvrer en vue de donner à cette proposition de loi une orientation plus positive".
Il serait peut-être intéressant que nous ayons une évaluation dans un an ou deux, afin de vérifier que les objectifs poursuivis par la loi auront été atteints et de décider d’éventuelles adaptations du texte.
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08.13 Zoé Genot (ECOLO) : Madame Vautmans, il me semble que vous n’avez pas écouté attentivement ce que j’ai dit. Les gens considèrent que la première proposition de loi a été élaborée davantage avec le corps médical qu’avec les associations concernées. Vous dites avoir rencontré d’autres associations. Manifestement, elles ne défendaient pas les mêmes versions. J’ai souligné le fait que des auditions avaient eu lieu et que le débat avait permis d’améliorer notablement la proposition. J’espère que vous l’avez noté également. Une série de personnes regrettent que les procédures soient plus compliquées. Certaines personnes que j’ai rencontrées m’ont dit qu’à l’heure actuelle, cela se passait plutôt bien. Tout comme vous, je pensais que ces personnes rencontraient d’énormes difficultés. Or, même dans des coins reculés de Wallonie, il semblerait que cela ne se passait pas si mal. J’avoue qu’au départ, je pensais un peu comme vous et votre texte me semblait être une bonne chose. Cependant, après avoir confronté ce texte aux multiples témoignages, j’en suis beaucoup moins sûre. Je propose donc de faire une évaluation dans un an et demi pour pouvoir constater, sur le terrain, si d’autres adaptations sont nécessaires ou pas.
Information issue du Site Ecolo Nous Prend Homo