I. Revendications relatives aux personnes intersexes
Ressources en ligne : https://www.genrespluriels.be/-Nos-Revendications-Intersexes-
Le 1er février 2019, la Belgique a été interpellée par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU. Celui-ci se dit préoccupé par le fait que les enfants intersexes sont inutilement soumis à des procédures médicales de normalisation en Belgique. Par ailleurs, les comités onusiens ont condamné à de nombreuses reprises les atteintes aux droits fondamentaux des personnes intersexes dans le monde. Le 14 février 2019, le Parlement européen a adopté la résolution 2018/2878 sur les
droits des personnes intersexuées. Les eurodéputés condamnent fermement les procédures médicales de normalisation des enfants intersexes et invitent les États à adopter dès que possible une législation protectrice de l’intégrité physique, l’autonomie et l’autodétermination de ces enfants. Il est aujourd’hui urgent d’établir un cadre juridique de protection des droits fondamentaux des personnes intersexes en adaptant la législation afin que la Belgique se conforme à ses obligations internationales.
SUITE A NOS REVENDICATIONS LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL A ADOPTÉ UNE RÉSOLUTION INTERSEXE EN 2021
Ressources en ligne :
http://www.genrespluriels.be/Resolution-inter-au-parlement-federal-belge
http://www.genrespluriels.be/La-loi-genre-inclut-le-critere-des-caracteristiques-sexuelles
Le jeudi 11 février 2021, les député·e·s présent·e·s à la Chambre ont voté à l’unanimité (tous partis politiques confondus) une résolution DOC 55 0043/008 concernant les personnes intersexes. Iels demandent notamment au gouvernement de mettre en place un cadre législatif pour protéger l’intégrité physique des mineur·e·s intersexués en garantissant que ses caractéristiques sexuées ne seront pas modifiées sans son consentement éclairé, sauf en situation d’urgence.
Genres Pluriels se réjouit de cette étape importante. C’est une véritable avancée pour la reconnaissance et la protection des personnes intersexes en Belgique.
Nous regrettons toutefois que la proposition de résolution DOC 55 0974/001 du 28 janvier 2020 n’ait pas été débattue à la Chambre. Celle-ci visait pourtant à garantir plus largement les droits fondamentaux des personnes intersexes.
Quelques points importants sont à relever dans la résolution adoptée à la Chambre DOC 55 0043/008 du 11 février 2021.
Terminologie bienveillante
La résolution utilise quelques termes pathologisant et irrespectueux empreintés au secteur médical. Il est primordial, afin d’aborder avec respect les thématiques inter*, de bien distinguer les concepts bienveillants de ceux qui oppressent les personnes inter*.
Personne intersexe, intersexuée ou inter* : Personne présentant des variations au niveau de ses caractéristiques sexuelles, celles-ci ne correspondant pas aux normes sociale et médicale existantes, à savoir la binarité mâle-femelle / féminin-masculin. Ces variations sont diverses et variées, et dans l’immense majorité des cas, elles ne mettent pas en cause la bonne santé des personnes intersexes. Elles constituent des variations naturelles du développement sexuel.
Les intersexuations (PAS intersexualité ni intersexisme) : les intersexuations n’ont rien à voir avec la sexualité. Beaucoup de personnes avec une variation refusent la référence au sexe (et à la sexualité) car ce terme est connoté dans notre culture. C’est pourquoi, elles préfèrent s’identifier en tant que personnes inter*, terme inclusif englobant un large spectre d’intersexuations. Les personnes qui ne sont pas intersexes sont appelées dyadiques.
Caractéristiques sexuées (ou sexuelles) : Caractéristiques biologiques qu’une personne possède à la naissance (structures chromosomique et ou génétique, hormonale, organes génitaux internes et externes) ou qu’elle développe pendant la puberté (pilosité, masse musculaire, poitrine, stature, pomme d’Adam, menstruations, etc.).
Termes à éviter : Anomalie, hermaphrodisme, ambiguïté sexuelle, Troubles ou Désordre ou Différence du développement sexuel (TDS/DSD), aberration génétique, chimère, hirsutisme, malformations, etc.
Nous demandons au gouvernement d’utiliser des terminologies respectueuses et de réviser les classifications médicales nationales qui confèrent un caractère pathologique aux variations des caractéristiques sexuées en vue de lever les obstacles qui s’opposent à l’exercice effectif des droits fondamentaux par les personnes intersexes, y compris le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint.
Prévalence
Être intersexe est bien plus répandu qu’on ne le pense. Les Nations unies estiment la population intersexe à 1,7% [1] des naissances = 1 bébé sur 60, 5 naissances par jour. Environ 192.000 personnes en Belgique. La réalité est sans doute supérieure (« Internet et l’émergence du mouvement intersexe : Une expérience singulière » par Lucie Gosselin. Entre 1,7 et 4 % (Kraus et al., 2008, p. 8)).
Non à l’impunité !
Pour rappel, les Nations Unies ont sévèrement réprimandé la Belgique concernant les mutilations génitales et autres traitements dégradants que subissent les personnes intersexes. Une première condamnation a eu lieu le 1er février 2019 par le Comité des droits de l’enfant (Observations finales (2019) CRC/C/BEL/CO/5-6) ; une deuxième condamnation sans équivoque par le Comite des droits de l’homme le 6 décembre 2019 (Observations finales (2019) CCPR/C/BEL/CO/6)
Les comités onusiens dénoncent les traitements inhumains, cruels et dégradants des procédures de normalisation imposées aux enfants intersexes, qu’ils qualifient de pratiques néfastes et préjudiciables, telle une mutilation génitale ou une stérilisation, une opération chirurgicale, un traitement hormonal, une psychiatrisation ou encore une expérimentation médicale ou scientifique non consentis.
Ces traitements dégradants et inhumains non consentis sur les enfants intersexués sont essentiellement pratiqués par des équipes pluridisciplinaires dans les centres hospitaliers de référence autoproclamés. Or la résolution prévoit que deux centres de référence devront juger de la nécessité médicale d’intervention chirurgicale sur des enfants intersexes. Seront-ce les mêmes centres où l’on mutile les enfants ?
Un conflit d’intérêts doit être évité. Cette équipe multidisciplinaire devrait être composée d’expert·e·s non cliniques, y compris des expert·e·s indépendant·e·s des droits humains expérimenté·e·s dans les questions d’intersexuations, et ne devrait pas être dirigée par des médecins responsables.
Nous demandons au gouvernement d’interdire et de sanctionner adéquatement les procédures médicales de normalisation imposées aux enfants intersexes et d’assurer aux personnes intersexes qui ont subi des traitements dégradants et inhumains l’accès à des recours effectifs, y compris en levant les délais de prescription.
Accès au dossier médical
Une difficulté majeure provient de l’absence d’étude systématique concernant les interventions médicales de toutes natures sur les personnes intersexes, de la naissance à la puberté. La Loi sur les "Droits du Patient" précise que le dossier médical est accessible au patient, à sa demande. Voir aussi la résolution 2018/2878 du Parlement européen du 14 février 2019
Nous demandons au gouvernement de garantir que les personnes intersexuées ont un accès effectif aux soins de santé tout au long de leur vie, ainsi qu’un plein accès à leur dossier médical ;
Libre choix du médecin
L’accès des personnes intersexes aux services de santé doit être librement choisi et pris en charge. La création de 2 hôpitaux de référence pour personnes intersexes, telle que prévue dans la résolution, contredit la liberté de choix du praticien, pourtant reconnue depuis 2002 en Belgique par la loi droits du patient (article 6).
Afin de garantir un accueil bienveillant respectueux des droits humains, Genres Pluriels a créé le Réseau Psycho-Médico-Social trans*/inter* belge
Pour-suivre les (in)formations
Par ailleurs, les enfants intersexes sont dans la grande majorité en bonne santé. L’information et l’accompagnement des parents devraient se faire essentiellement en dehors du milieu hospitalier par du personnel formé aux droits humains.
Lire les brochures sur les intersexuations, notamment le toolkit pour les parents sur comment soutenir son enfant intersexe.
Le chemin est encore long pour atteindre l’égalité. Nous nous rendons bien compte qu’il y a un grand besoin d’(in)formation. Genres Pluriels propose des ateliers de sensibilisation aux intersexuations
#IntersexRights #HumanRights #StopIntersexMutilations
Lire aussi sur https://stopigm.org :
CRC80 > Mutilations Génitales Intersexes : L’ONU réprimande la Belgique et l’Italie
CRC127 > Mutilations génitales intersexes : l’ONU réprimande la Belgique et le Mexique
Lire sur OII Europe (en) :
Analyse de l’OII sur la résolution belge
[1] chiffres provenant d’une étude Blackless M, Charuvastra A, Derryck A, Fausto-Sterling A, Lauzanne K, Lee E. « How sexually dimorphic are we ? Review and synthesis ». Am J Human Bio, 2000
NOUS DEMANDONS AU GOUVERNEMENT, EN CONCERTATION AVEC LES ENTITÉS
FÉDÉRÉES :
• d’adapter la législation, dans le cadre de l’évaluation des lois anti-discriminations et du code pénal, afin de sanctionner les discriminations et les violences fondées sur les caractéristiques sexuelles ;
• d’inclure les réalités des variations des caractéristiques sexuelles dans les programmes et les manuels scolaires, en particulier en biologie, en éducation sexuelle et physique. Toute formation doit être dispensée dans une perspective dépathologisante et respectueuse des droits humains ;
• d’instaurer des politiques de lutte contre l’intimidation dans les écoles. Les écoles devraient prendre en compte le fait que les activités sexospécifiques peuvent être difficiles et exclusives pour certain·e·s jeunes intersexes ;
• de rendre les écoles inclusives face à la diversité des identités de genre, des caractéristiques sexuelles et des orientations sexuelles. En communauté française, systématiser et encourager la charte “École pour tou·te·s”, une plateforme incluant la Ligue des droits de l’enfant et plusieurs associations LGBTQI+ ;
• de ne pas autoriser les établissements d’enseignement à exiger des codes d’habillement selon le sexe. Bien que le sexe et le genre soient deux facettes distinctes d’une personne, la binarité de genre est néfaste, en particulier pour les personnes intersexes ;
• d’aménager l’environnement et les infrastructures sportives afin de les rendre inclusifs pour les personnes intersexes ;
II. Revendications relatives aux personnes transgenres
Ressources en ligne :
https://www.genrespluriels.be/Un-grand-progres-mais-d-immenses-chantiers
https://www.genrespluriels.be/La-cour-constitutionnelle-suit-notre-position-la-loi-trans-doit-etre-adaptee
https://www.genrespluriels.be/Environ-5-de-la-population-belge-et
Depuis 2018, si la loi belge permet enfin aux personnes transgenres de pouvoir modifier leur carte
d’identité au niveau du prénom et/ou du « sexe enregistré » sur base de l’auto-détermination, l’accès
aux soins de santé généraux et transspécifiques doit lui aussi être facilité. En effet, l’accueil des
personnes transgenres par le corps (para-)médical est mauvais ou pour le moins très inadapté, allant
parfois jusqu’au refus de soins.
NOUS DEMANDONS :
1. L’accès à des soins de santé généraux et spécifiques respectueux et non-discriminants
• Les « protocoles officiels » et autres « standards de soins » exigés non plus par la loi belge sur le changement d’état civil, mais encore par les praticien·ne·s eux/elles-mêmes, doivent être remplacés par un suivi de santé libre, pour celles et ceux qui le désirent, dans un climat de respect et d’écoute ;
• L’accès aux traitements hormonaux et aux chirurgies doit être facilité ;
• Un système de remboursement équitable et cohérent des soins de santé transspécifiques doit être instauré ;
• Ce remboursement ne doit pas être conditionné par le recours à un « centre spécifique de référence », une pratique qui contredit la liberté de choix du praticien, pourtant reconnue en Belgique par la loi depuis 2002 ;
• Le Réseau PsychoMédico-Social Trans* et Inter* belgedoit être reconnu comme un acteur à part entière offrant une prise en charge respectueuse des personnes Trans* et Inter* et être soutenu à sa juste valeur. Les personnes trans*/inter* qui en bénéficient doivent avoir leurs soins de santé remboursés ;
• Le changement de « sexe enregistré » ne doit plus être un frein au remboursement de soins de santé genrés comme c’est le cas actuellement ;
• Les personnes transgenres doivent avoir accès à la procréation médicalement assistée, et le droit de pouvoir cryopréserver le sperme et les ovules. Et les coûts parfois très élevés doivent être remboursés par les soins de santé ;
• Les transidentités doivent être retirées de la liste des maladies mentales du « DSM » de l’American Psychiatric Association, comme elles l’ont été en 2019 dans la 11 e révision de la « CIM » de l’Organisation Mondiale de la Santé.
2. La poursuite de l’amélioration du cadre législatif belge (Loi de 2017)
Au-delà des actuels changements de « sexe enregistré » et de prénom libres, gratuits et basés sur l’autodéclaration de la personne majeure, nous demandons la poursuite des améliorations législatives suivantes :
• Prévoir le remboursement, par le régime public de sécurité sociale, de prestations telles que les traitements hormonaux, les chirurgies et le soutien psychologique, les cryopréservations ;
• Permettre le remboursement, par le régime public de sécurité sociale, de prestations de soins médicaux genrés (ex : gynécologiques/urologiques, de la poitrine/du torse), quel que soit le genre (« sexe enregistré ») administratif ;
• Encadrer les pratiques médicales. Toute requête, de la part d’un·e médecin, d’une attestation de psychiatre pour l’accès à des traitements hormonaux et/ou des chirurgies, doit être interdite par le législateur, et des sanctions à l’égard des contrevenant·e·s doivent être prévues ;
• Respecter le droit à l’autodétermination des mineur·e·s : dépsychiatriser totalement le parcours des personnes trans* de 16 à 18 ans, autoriser la modification du genre enregistré avant 16 ans, faciliter le changement de prénom des enfants trans* avant l’âge de 12 ans.
3. Mettre la sensibilisation aux questions transidentitaires ainsi que la formation des professionnel·le·s psycho-médico-sociaux, résolument au cœur des politiques institutionnelles de lutte contre les discriminations, en s’appuyant sur l’expertise des associations de terrain.
• Afin de lutter contre les discriminations, il est indispensable de systématiser des actions de sensibilisation, d’information et de formation à destination non seulement du grand public, mais aussi des professionnel·le·s de tous les secteurs de la société, aussi bien publics que privés ;
• Les professionnel·le·s des secteurs psycho-médico-sociaux, tout particulièrement, doivent être formé·e·s afin de pouvoir accueillir et prendre en charge adéquatement les personnes transgenres, dans le respect de leur identité, de leur vie privée, de leur point de confort et du droit du patient.