C’est en tant qu’association représentante des personnes transgenres, aux genres fluides et intersexes que nous vous adressons cette plainte. En effet, le reportage sus-mentionné nous a profondément choqués car il renforce les stéréotypes de genres et les discriminations faites à l’égard des personnes trans*.
Comment justifiez-vous le déni systématique des prises de position dépsychiatrisantes des transidentités ? Lors de ce reportage, les seuls expertises diffusées proviennent du monde psychiatrique. Pourtant, la dépsychiatrisation des personnes trans* fait débat tant au niveau européen qu’international. Citons notamment les recommandations du Parlement Européen, les principes de Jogjakarta, l’initiative STP 2012, Transgender equality network Ireland.
Pourquoi la RTBF se focalise-t-elle sur les opérations génitales ? Dans son rapport de 2009, Thomas Hammarberg, alors Commissaire Européen aux Droits Humains, cite le chiffre de 10% de personnes transgenres désirant effectuer ce type de chirurgies. Les journalistes, en laissant penser que les opérations génitales sont la conséquence systématique et obligatoire des « parcours trans* », véhiculent donc une information fausse. Cela renforce l’amalgame fait entre les notions de sexes et de genres. Comment aborder les transidentités sans connaître les différences entre ces deux concepts ? Une recherche préalable, notamment dans les études de genres, aurait pu éclairer les journalistes. A titre d’exemple voici la dernière publication de l’Observatoire des Transidentités, thèse du docteur en sociologie Arnaud Alessandrin : « Du « transsexualisme » aux devenirs Trans ».
Comment expliquez-vous l’utilisation récurrente de pronoms masculins pour une personne qui souhaite manifestement qu’on s’adresse à elle au féminin ? Pourquoi rappeler en permanence le prénom assigné à la naissance alors que la personne se nomme autrement ? Cette pratique nie l’identité de la personne et présente son choix comme une imposture. Nous constatons au quotidien que cela légitimise toutes les discriminations attaquant les personnes trans*.
Quelle vision des femmes ont les journalistes ? Les féminités se limitent-elle à la lecture de livres roses, aux draps de princesses, au port de talons (dès l’âge de 11 ans),... comme le sous-entend la mise en scène par les choix des plans ? Était-il nécessaire d’accumuler les a priori sexistes pour confirmer l’identité de genre de la personne ? Sa seule déclaration ne suffit donc pas ?
Un plan en particulier nous choque. Les procédés sexistes de sexualisation des corps des femmes sont connus et déplorables. Les voir appliqués aux personnes trans* adultes est déjà suffisamment dégradant, mais utiliser ce procédé pour une enfant est une faute professionnelle absolument inacceptable.
Nous relevons également : la musique et le ton « pathos » du reportage, la présomption d’immuabilité des parcours, l’obligation à la certitude pour les personnes trans*, la nécessité de confirmation répétée de l’identité de genre, la légitimation par l’autorité médicale, le outing obligatoire, la culpabilisation des parents qui rappelle celle qu’ont subi les parents d’enfants autistes, ...
Par son contrat de gestion, la RTBF doit développer « une information objective, honnête, indépendante, rigoureuse, pluraliste, complète, analytique, interpellante et suscitant la réflexion et le débat sur les enjeux démocratiques de la société ».
Le respect des identités trans* est l’enjeu de droits humains fondamentaux.
Nous demandons instamment à la RTBF de ne plus nier l’existence des associations transgenres.
Nous incitons les journalistes à prendre contact avec Genres Pluriels afin de profiter des mêmes formations que celles que nous avons déjà dispensées à l’IEFH, à la Police Fédérale, à la Police Locale PolBruNo... et ce afin de produire un reportage de qualité, respectueux des diversités trans* et basé sur des informations justes.
Le Groupe Média de Genres Pluriels ASBL