I. LES PERSONNES TRANSGENRES
1. Modifier les lois
1.1 Modification de la loi transgenre
La loi belge sur le changement d’état civil doit respecter le 18e Principe de Jogjakarta(1) :
« Nul ne peut être forcé de subir une quelconque forme de traitement, de protocole ou de test médical ou psychologique, ou d’être enfermé dans un établissement médical, en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre ».
À l’heure actuelle, la loi belge impose la stérilisation comme préalable au changement d’état civil. Les critères médicaux repris dans la « Loi belge relative à la transsexualité » (2007) comme condition pour l’enregistrement officiel du « changement de sexe/genre » sont en contradiction, non seulement avec les revendications des associations transgenres, mais aussi avec le point de vue adopté par l’ancien Commissaire aux Droits Humains du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, comme formulé dans son document thématique de juillet 2009 : « Droits de l’Homme et identité de genre »(2).
« Les états membres du Conseil de l’Europe devraient s’attaquer plus vigoureusement à la transphobie et à la discrimination envers les personnes transgenres dont la situation a été longtemps ignorée et négligée. Pourtant ces personnes font face à des problèmes caractéristiques, extrêmement concrets ».
Ce document thématique fait valoir que les normes internationales reconnues en matière de Droits Humains, telles que le droit à la vie, le droit à l’intégrité physique et le droit aux soins de santé, s’appliquent à tous, y compris aux personnes transgenres. De même, celles-ci ont le droit d’être protégées contre la discrimination.
« Il est recommandé aux états membres du Conseil de l’Europe de lutter davantage contre la discrimination, y compris en formant les personnels de santé. Par ailleurs, les personnes qui souhaitent faire reconnaître leur identité de genre ne devraient pas être obligatoirement soumises à une stérilisation ni à aucun autre traitement médical. »(3)
Enfin, nous nous référons à la déclaration de Juan E. Mèndez, Rapporteur spé©cial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui qualifie de torture le fait d’imposer aux personnes trans* et intersexes des modifications physiologiques ou des interventions chirurgicales comme prérequis à une reconnaissance légale de leur genre(4).
La Belgique est signataire de la déclaration faite à l’ONU ; elle doit continuer sur sa lancée et signer les Principes de Jogjakarta. En tant qu’état membre du Conseil de l’Europe, elle se doit de suivre les recommandations de Thomas Hammarberg. Enfin, elle ne doit pas cautionner des actes considérés comme de la torture par l’ONU.
Le combat pour les droits des personnes transgenres et intersexuées continue dans le monde entier. Notre pays doit jouer un rôle de pionnier au niveau international !
– Le législateur fédéral doit supprimer les dispositions relatives à l’obligation de « réassignation » et de stérilité.
– Le législateur fédéral doit également supprimer l’obligation de déclaration par un psychiatre requise par la Loi de 2007 [1].
– Il doit permettre aux personnes transgenres d’opter pour une forme d’indétermination de genre.
– La modification de la mention du « sexe/genre » sur tous les documents officiels doit être possible sur simple demande.
– La mention du « sexe/genre » dans les documents administratifs doit être limitée aux cas où cette information revêt une utilité avérée. Cette mention est, la plupart du temps, inutile.
– À terme, la mention visible du « sexe/genre » sur les documents d’identité doit être supprimée.
1.2 Inclure les identités de genres (= transphobie) comme circonstance aggravante des crimes de haine
Nous constatons que le public est largement sous-informé ou mal informé de l’existence et des réalités des personnes transgenres. Cette ignorance est à l’origine de préjugés, de stigmatisations et de discriminations. Elle peut conduire à des actes de haine.
– Modifier la Loi 405quater et l’article 2 du Code pénal sur les circonstances atténuantes en remplaçant l’expression « changement de sexe » par « en raison de son identité de genre ». En effet, l’expression « changer de sexe », au-delà d’être fausse, est restrictive aux personnes trans* qui se sont soumises aux critères psychiatrisants et pathologisants de la « Loi belge relative à la transsexualité ».
– Modifier et élargir en conséquence l’application de la col 14/2006 pour toutes les questions d’identités de genres.
2. Accès aux soins de santé
2.1 Exclusions et discriminations
En Belgique, les personnes transgenres se voient refuser la possibilité d’adopter sans contrainte l’identité de genre qu’elles ont librement choisie.
Les personnes trans* qui rencontrent des difficultés et qui sollicitent un soutien psychologique se voient rapidement « prises en charge » et « enrôlées » dans des processus de normalisation visant à leur assigner un des deux genres binaires (féminin/masculin). Cette situation oblige certaines personnes à simuler le genre attendu.
Les personnes transgenres souhaitant se féminiser ou se masculiniser et qui demandent à leur médecin de leur prescrire un traitement hormonal (TH), se voient souvent opposer un refus, par transphobie et/ou méconnaissance du dosage d’hormones. Dans certains cas, les personnes sont contraintes de se procurer les traitements via des filières non officielles, qui n’en garantissent aucunement la qualité. Ces produits pris clandestinement, sans suivi médical, peuvent avoir de graves conséquences sur la santé.
Souvent sans le consentement éclairé de la personne transgenre, le médecin prescrit un traitement anti-hormonal afin de bloquer la production d’hormones. Ce traitement aux multiples effets secondaires (perte de libido, stérilisation chimique, risques cardio-vasculaires,...) a de lourdes conséquences sur la santé. Nous estimons que ce traitement anti-hormonal prescrit sans le consentement éclairé de la personne s’assimile à une castration chimique et doit, à ce titre, être interdit.
Les personnes mineures sollicitant un TH et/ou une chirurgie, se voient quasi systématiquement refuser toute prise en charge, et priées d’attendre leur majorité.
Il n’y a aucun remboursement systématisé des TH et chirurgies « trans* spécifiques » par les mutuelles et assurances. À l’heure actuelle, les remboursements se font au cas par cas en fonction des mutuelles et/ou du médecin conseil.
Enfin, les exclusions et discriminations qui s’exercent à l’encontre des personnes transgenres sont bien évidemment exacerbées dans le cas des migrant.e.s ou demandeurs d’asile trans*.
Les transidentités doivent être considérées comme des configurations psychiques non pathologiques !
– Pour les transidentités, l’INAMI ne doit plus prendre comme référence les nomenclatures des DSM V et CIM 10.
– Les « protocoles officiels » et autres « Standards de Soins » psychiatriques de la HBIGDA(5), exigés par la loi belge afin d’obtenir le changement d’état civil, doivent disparaître.
– Les suivis de santé (professionnels psycho-médico-sociaux, maisons médicales, centres de planning familial et services de santé mentale) doivent être libres, éclairés et respectueux du point de confort des personnes trans*.
– Les traitements hormonaux (TH [2]) et les chirurgies ne doivent plus dépendre de protocoles médicaux et thérapeutiques standardisés dépassant la demande personnelle.
– Des prises en charges spécifiques pour les mineurs d’âge doivent être prévues, ainsi qu’un recours possible auprès d’un.e juge de la jeunesse si les tuteurs légaux refusent la transition.
– Le monde psycho-médico-social doit être formé aux réalités trans* en se référant aux Droits des Patients(6).
– Les médecins doivent être formés au suivi des TH. Les réseaux de médecins généralistes seront favorisés car plus accessibles et plus proches de leur patientèle.
– Des brochures d’information doivent être élaborées, des formations doivent être dispensées, à destination des services de première ligne.
– Les interventions chirurgicales « trans* spécifiques » doivent être considérées comme des interventions de reconstruction et non des interventions esthétiques, et intégrées dans le système de remboursement de la sécurité sociale.
– Les mutuelles et compagnies d’assurances doivent être sensibilisées. La position juridique des personnes transgenres par rapport à la législation en la matière, doit être clarifiée.
– La procréation médicalement assistée doit être accessible aux personnes transgenres, ainsi que le droit de pouvoir congeler le sperme et les ovules.
– Le droit d’asile doit être accordé aux personnes transgenres dont la santé et la vie serait menacées en cas de renvoi dans leur pays d’origine.
2.2 Nomenclature non genrée
La nomenclature INAMI est genrée tant pour les actes médicaux que pour les remboursements. Ce système a déjà amplement montré ses limites et son absurdité, y compris chez les personnes non trans* (cisgenres), comme l’illustre l’exemple de la difficulté de la prise en charge du cancer du sein chez les « hommes ».
– Une nomenclature non genrée, qui permettrait de résoudre ces difficultés pour le bénéfice général, doit être établie.
3. Lutter contre les discriminations
3.1 Discriminations à l’emploi
Les discriminations qui s’exercent à leur encontre dans la vie professionnelle contribuent à la précarisation des personnes transgenres. Les répercussions ne sont pas uniquement d’ordre matériel à elles soulèvent également des questions d’éthique et de droits de la personne. Les résultats de l’étude « Être transgenre en Belgique » (2009), réalisée par l’Institut pour l’égalité des Femmes et des Hommes, mettent en évidence la complexité de la situation.
Il en ressort principalement que, pour les personnes transgenres, les discriminations liées à l’emploi constituent l’un des principaux obstacles à l’ouverture vis-à-vis de l’identité de genre souhaitée, la transition et l’épanouissement personnel.
On observe chez les personnes transgenres un taux de chômage élevé, nettement supérieur à la moyenne européenne, pour un niveau d’études en moyenne plus élevé que celui de la population générale. En effet, il est avéré que les personnes trans* rencontrent à la fois des difficultés à trouver du travail, et, pour les personnes ayant un emploi, des difficultés sur le lieu de travail.
L’étude « Être transgenre en Belgique » rappelle que « l’identité de genre relative de la vie privée et ne peut être demandée lors d’un entretien de candidature pour un emploi ». Pareillement, lorsqu’une personne transgenre est obligée de faire son coming out sur son lieu de travail, cela relative d’une atteinte à la vie privée.
La question du changement de prénom et/ou d’état civil peut poser problème, par rapport aux documents officiels, lorsque ceux-ci ne sont pas en adéquation avec le genre choisi.
Les discriminations que subissent les personnes transgenres sur le lieu de travail : licenciements déguisés, inégalités de traitement, blocage des possibilités de carrière/formation/promotion, exclusion, dénigrement, harcèlement, etc. sont d’autant plus difficiles à surmonter que ces personnes ne bénéficient d’aucun cadre de protection spécifique.
L’expérience montre que l’intégration des personnes transgenres dans la sphère professionnelle présente d’autant moins de difficultés que les différents intervenants sont bien informés et que le dialogue s’instaure, dans une démarche non excluante.
La mise en oeuvre de solutions concrètes suppose des concertations et un travail en réseau avec les différents acteurs du secteur de l’emploi, y compris au niveau institutionnel.
– Intégrer la question transidentitaire dans les politiques anti-discrimination en matière d’emploi, et les plans de diversité.
– Assurer l’application, y compris aux personnes transgenres, des dispositifs législatifs de protection de la vie privée.
– Faciliter les procédures d’adaptation des diplômes, CV, lettres de recommandation, etc., afin de garantir aux personnes transgenres l’égalité des chances en matière d’emploi.
– Établir un cadre de protection spécifique pour les personnes transgenres, afin qu’elles soient adéquatement représentées et défendues, par rapport au droit du travail.
– Identifier les besoins spécifiques en matière d’information, élaborer des supports et mener des actions de sensibilisation/formation au sein des entreprises, des administrations et des organismes de placement (ACTIRIS, FOREM, VDAB).
– Consolider et développer les partenariats entre tous les acteurs du système.
3.2 Renforcement du Plan de lutte contre la transphobie
La plateforme nationale de lobbying et de défense des droits fondamentaux des personnes trans*, crée par Genres Pluriels en 2011, a permis des avancées concrètes. Pour rappel, les membres de cette plateforme sont : Arc-en-ciel Wallonie, la Maison Arc-en-ciel de Bruxelles, çavaria et Genres Pluriels.
Genres Pluriels a également représenté les intérêts et les besoins de la communauté transgenre et intersexe dans la plateforme homophobie et transphobie mise en place par la ministre de l’égalité des chances, à partir de mai 2012.
Le but était de créer un groupe de travail constitué des associations LGBT (dont Genres Pluriels), des institutions publiques, du Centre pour l’égalité des chances, de l’Institut pour l’égalité des Femmes et des Hommes, de la Police fédérale, ainsi que des pouvoirs politiques, en premier lieu le cabinet Milquet, mais des rencontres avec des membres du cabinet de la justice et du premier ministre ont également eu lieu.
L’objectif était de mettre en commun les connaissances, les difficultés et les pratiques existantes pour trouver des solutions à ces problèmes de société que sont la transphobie et l’homophobie. En ce qui concerne les questions transgenres et intersexes, la plus grande difficulté est qu’il n’y a à ce jour pas de cadre législatif protégeant spécifiquement contre la transphobie. Des actions et recommandations concrètes sont ainsi rendues plus difficiles, voire impossibles.
Nous avons donc mobilisé tous nos efforts pour attirer l’attention des pouvoirs politiques sur la nécessité de mettre en place ce cadre juridique. Nous avons obtenu comme recommandations prioritaires du Plan d’action interfédéral de lutte contre les violences homophobes et transphobes(7), une amélioration de la législation, et la promesse de l’ajout de l’expression de genre et de l’identité de genre aux différentes législations anti-discrimination, fédérales, communautaires et régionales.
– Tout en saluant les avancées accomplies par le Plan d’action interfédéral de lutte contre les discriminations homophobes et transphobes, nous demandons à ce qu’il soit appliqué concrètement dans son intégralité.
3.3 Formations barémiques
Face à la complexité de la thématique transidentitaire et aux spécificités, tant au niveau des modalités de prise en charge qu’au niveau législatif, il est impératif, dans un souci de santé publique et de lutte contre les discriminations, d’offrir une formation de qualité afin de sensibiliser les professionnels.
Depuis 2010, Genres Pluriels a ainsi développé une palette de formations variées à destination des professionnels des différents secteurs : psycho-médico-social, emploi, enseignement, droit et législation, administrations publiques, instances politiques,...
– Les formations dispensées par Genres Pluriels devront être reconnues comme formations barémiques dans les institutions publiques et de santé.
II. LES PERSONNES INTERSEXUEES
1. Créer un cadre législatif pour les intersexués
Application des recommandations du Conseil de l’Europe et des Nations Unies.
Nous nous référons notamment au point 7.5.3. de la résolution 1952 du Conseil de l’Europe : « entreprendre des recherches complémentaires afin d’augmenter les connaissances de la situation spécifique des personnes intersexuées, s’assurer que personne ne soit soumis pendant l’enfance à des traitements médicaux ou chirurgicaux cosmétiques et non cruciaux pour la santé, garantir l’intégrité corporelle, l’autonomie et l’auto-détermination aux personnes concernées, et fournir des conseils et un soutien adéquats aux familles ayant des enfants intersexués »(8).
– Il faut interdire toute intervention chirurgicale non vitale sur les enfants intersexués avant que ceux-ci soient en âge de donner leur consentement éclairé. Une étude récente a mis en évidence l’influence des médecins sur la décision des parents [3].
– Un soutien psychologique doit être proposé, si nécessaire, pour les parents et l’enfant, et pris en charge dans le cadre des soins de santé.
– Le législateur fédéral doit permettre aux personnes intersexes d’opter pour une forme d’indétermination de genre.
– La modification de la mention du « sexe/genre » sur tous les documents officiels doit être possible sur simple demande.
– La mention du « sexe/genre » dans les documents administratifs doit être limitée aux cas où cette information a une utilité avérée.
– À terme, la mention visible du « sexe/genre » sur les documents d’identité doit être supprimée.
2. Accès aux soins de santé
2.1 Nomenclature non genrée
La nomenclature INAMI est genrée tant pour les actes médicaux que pour les remboursements. Ce système absurde est particulièrement pénalisant pour les personnes intersexes.
Une nomenclature non genrée doit être établie, afin de garantir la prise en charge et le remboursement de tous les examens de prévention et actes médicaux, parmi lesquels :
– Mammographie gratuite également pour les personnes intersexuées assignées « M »
– Screening de prostate pour les personnes intersexuées assignées « F »
– Traitements hormonaux accessibles au tarif réduit pour toutes les hormones, indépendamment du sexe assigné
– Remboursement de l’ostéo-densitométrie et du traitement de l’ostéoporose, affection courante chez les « mutilés », due aux perturbations hormonales causées par les castrations
Pour exemple, l’Australie vient de changer sa nomenclature et ne fait plus de différence « M/F »(9).
2.2 Accueil respectueux et informé par les professionnels de santé
Les personnes intersexes ne doivent pas avoir à se justifier !
– Les suivis de santé (professionnels psycho-médico-sociaux, maisons médicales, centres de planning familial, services de santé mentale) doivent être libres, éclairés et respectueux du point de confort des personnes intersexes.
– Les traitements hormonaux et les chirurgies ne doivent plus dépendre de protocoles médicaux et thérapeutiques standardisés dépassant la demande personnelle.
– Le monde psycho-médico-social doit être formé aux réalités intersexes en se référant aux Droits des Patients.
– L’intersexophobie doit être incluse dans les discriminations médicales.
3. Lutter contre les discriminations
3.1 Discriminations à l’emploi
Les personnes intersexes subissent aussi des discriminations à l’emploi transphobes.
3.2 Renforcement du Plan de lutte contre la transphobie
Le Plan de lutte contre la transphobie concerne aussi les personnes intersexes.
3.3 Formations barémiques
Il n’existe à l’heure actuelle aucune formation concernant les intersexuations, hormis celles s’appuyant sur une perspective pathologisante, dispensées en facultés de Médecine.
– Il faut intégrer la question intersexe dans les politiques anti-discrimination en matière d’emploi, et les plans de diversité.
– Les intersexes doivent être inclus en tant que personnes concernées par la transphobie comme circonstance aggravante des crimes de haine.
– Le droit d’asile doit être accordé aux personnes intersexes dont la santé et la vie serait menacées en cas de renvoi dans leur pays d’origine.
– Des formations doivent être élaborées par les personnes intersexes elles-mêmes, afin de sensibiliser adéquatement les professionnels des différents secteurs. Ce projet est actuellement à l’étude au sein de Genres Pluriels, seule association représentant les intérêts des personnes intersexes au niveau de la Belgique.
– À terme, ces formations devront être reconnues comme formations barémiques dans les institutions publiques et de sante.