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Mars/Vénus : un mythe s’effondre ?

Publié le 29 avril 2009

Le succès de l’affligeant livre et du non moins affligeant spectacle "Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus" ne semble pas faiblir. Serait-ce parce que ce divertissement ne fait que reprendre les clichés les plus éculés au sujet des prétendues différences de comportement entre "hommes" et "femmes" ? D’aucun·e·s diront que ce n’est que de l’humour et que tout cela est bien inoffensif. Mais rirait-on de la même façon s’il s’agissait d’un spectacle mettant en scène les différences "naturelles" entre "Blancs" et "Noirs" ? Non. On crierait au racisme. Il faut croire que le sexisme a encore de beaux jours devant lui...

Argument a priori imparable des sexistes de tout poil (la pilosité n’étant pas l’apanage d’un sexe) : les études scientifiques qui prouveraient les différences entre les sexes de manière indéniable. Mais on les attend toujours ! Les études réalisées jusqu’à présent ressemblent presque toutes, et ce n’est pas un hasard, aux études faites à la fin du XIXème siècle sur les prétendues différences immuables entre les "races". C’est-à-dire que leur principal intérêt, du point de vue de leurs commanditaires, serait de corroborer des théories sexistes. Elles se caractérisent la plupart du temps par trois défauts majeurs :

1) Elles prennent pour postulat que tout groupe humain puisse être divisé de manière non équivoque en deux parties distinctes suivant le sexe des individus.

Or ni le sexe (donnée médicale) ni le genre (donnée sociale) ne sont binaires : d’une part, il existe un tas d’individu·e·s qui sont difficilement classables avec certitude dans l’une des deux catégories mâle/femelle (voir Le sexe - Une invention médicale) ; d’autre part, beaucoup de personnes ne s’identifient ni comme "homme" ni comme "femme" (voir Genres fluides. L’existence même de ces personnes "hors normes binaires" devrait suffire à démontrer l’inanité des études sur la différence des sexes (cf. Haro sur le binarisme).

2) Elles ne permettent en général pas d’autre identification que "homme" ou "femme" pour les sujets observés.

Il ne faut pas être grand·e psychologue pour réaliser que ceci induit un biais, les personnes répondant à l’enquête d’une manière plus conforme à leur genre déclaré, consciemment ou non. Si l’identification de genre se fait par l’observateur·ice, on se demande toujours quels sont les critères pris en compte.

3) Elles négligent presque systématiquement (sciemment ?) les autres facteurs, en particulier l’appartenance culturelle, le groupe socio-économique et le niveau d’instruction.

L’article ci-joint porte précisément sur le facteur socio-culturel. Il s’intitule Psychological Similarities and Differences
between Women and Men across Cultures
et a été écrit par Serge Guimond de l’Université Blaise Pascal. Intéressant car il met à mal quelques idées reçues...

Résumé en français :

La plupart des recherches sur les ressemblances et les différences entre "hommes" et "femmes" ont été menées en Amérique du Nord et en Europe occidentale. Dans cet article, l’auteur passe en revue un ensemble d’éléments multiculturels qui montrent que c’est précisément dans les pays occidentaux que les "femmes" et les "hommes" diffèrent le plus en termes de personnalité, construction de soi, valeurs et émotions. Des différences genrées nettement moins voire pas du tout marquées s’observent dans les pays asiatiques et africains. Ces découvertes sont inattendues du point de vue des deux théories structuralistes les plus influentes expliquant la différence des sexes, venant de la psychologie évolutive et de la théorie du rôle social. Néanmoins, la recherche récente en matière de comparaison sociale et d’auto-catégorisation suggère une approche prometteuse pour expliquer pourquoi les sociétés plus égalitaires peuvent paradoxalement créer de plus grandes différences psychologiques entre "femmes" et "hommes".