Certain·e·s veulent imposer leurs croyances morales au détriment des réalités vécues par autrui.
Faire croire qu’une unique identité de genre existe - celle des personnes cisgenres - et est la seule légitime à toute la population est non seulement contraire aux lois belges et internationales mais aussi contraire à l’éthique professionnelle.
Respecter les droits humains, les libertés fondamentales, la législation belge et l’éthique professionnelle.
La loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes [2] établit les critères de discrimination basée sur le sexe d’une personne. Depuis 2014, la loi dite « genre » donne une définition plus précise du sexe d’une personne : l’identité de genre ou l’expression de genre d’une personne.
Le genre est un construit socio-culturel et non pas une donnée naturelle. Dans les mentalités et les discours, sexe et genre ne sont pas des notions ni des expressions interchangeables. Pourtant, le postulat arbitraire confondant sexe et genre entraîne, chez les êtres humains, l’assignation automatique, dès la naissance, non seulement du sexe mais aussi du genre (on ne dira pas “c’est un mâle ou une femelle ?” mais bien “c’est un garçon ou une fille ?”). Le genre relève ainsi d’une identité psycho-sociale au départ imposée en vertu de normes binaires, sur base exclusive du sexe biologique : par exemple, un mâle (sexe) sera dès la naissance considéré et éduqué comme un garçon-homme (genre), ce qui se traduit, tout au long de la vie, par une série d’attentes et d’injonctions différenciées, notamment au niveau comportemental, tout écart par rapport à la norme étant plus ou moins lourdement sanctionné.
L’identité de genre d’une personne se réfère au genre auquel elle s’identifie, celui-ci ne correspondant pas nécessairement au genre assigné à la naissance. Les identités de genre sont plurielles (cisgenre, transgenre, agenre, genre fluide, genre non binaire…) et fluctuent dans le temps et la durée. L’identité de genre d’une personne est légitime et ne doit pas être remise en question. Et par ce fait même, une identité de genre n’est pas une « opinion », il n’y a donc pas à « débattre » sur la véracité ou pas d’une identité de genre d’une personne mais bien d’informer correctement la population à découvrir les diversités humaines et à les faire respecter.
L’expression de genre renvoie aux différentes façons (attitudes, langage, vêtements, etc.) dont les personnes expriment leur identité de genre, et à la manière dont celle-ci est perçue par les autres. Elle peut être qualifiée de masculine, féminine, androgyne. . . ou non binaire. Généralement, l’expression de genre correspond à l’identité de genre de la personne, mais elle peut aussi englober des formes occasionnelles ou temporaires d’expression, que celle-ci corresponde ou non à l’identité de genre de la personne (tra·ns·vesti·e·s, drag kings, drag queens). Tout ou partie de l’expression de genre peut, si elle ne correspond pas au genre assigné à la naissance ou au genre perçu, être considérée comme une transgression des normes de genre binaires régissant l’ordre social occidental, et réprimée, y compris chez les personnes se définissant comme cisgenres.
Depuis 2020, six formes de discrimination supplémentaires sont prises en compte par la loi anti-discrimination. Il s’agit de celles liées aux caractéristiques sexuelles, à la paternité, à la comaternité, à l’allaitement, aux procédures de procréation médicalement assistée (PMA) et d’adoption.
Les caractéristiques sexuées (ou sexuelles) sont définies comme les caractéristiques biologiques qu’une personne possède à la naissance (structures chromosomique et ou génétique, hormonale, organes génitaux internes et externes) ou qu’elle développe pendant la puberté (pilosité, masse musculaire, poitrine, stature, pomme d’Adam, menstruations, etc.).
Le critère des caractéristiques sexuelles concerne les personnes intersexes. Celles-ci présentent des variations au niveau de leurs caractéristiques sexuées qui ne correspondant pas aux normes sociales et médicales existantes, à savoir la binarité mâle-femelle / féminin-masculin. Ces variations sont diverses et variées, et dans l’immense majorité des cas, elles ne mettent pas en cause la bonne santé des personnes intersexes. Elles constituent des variations naturelles du développement sexuel. Les personnes qui ne sont pas intersexes sont appelées dyadiques.
De cette divergence entre les normes sociétales et les caractéristiques sexuelles des personnes résulte une pression sociale et médicale, qui se traduit dans l’immense majorité des cas par des pratiques normalisatrices néfastes telles des mutilations génitales, des traitements médicaux non consentis, des injonctions de modification de ces caractéristiques et des injonctions de comportement. Ces pratiques normalisatrices sont illicites, pénalement punissables et contraires aux droits fondamentaux ainsi qu’à l’éthique médicale.
Les identités de genres, les expressions de genres ou encore les intersexuations n’ont rien à voir avec la sexualité ni l’orientation sexuelle. Beaucoup de personnes avec une identité de genre ou une expression de genre transgenre ou encore une variation intersexe refusent la référence au sexe (et à la sexualité) car ce terme est connoté dans notre culture. C’est pourquoi, elles préfèrent s’identifier en tant que personnes trans* ou inter*, termes inclusifs englobant un large spectre de transidentités et d’intersexuations.
C’est pour ces raisons que l’identité de genre, l’expression de genre ainsi que les caractéristiques sexuelles font partie des 19 critères protégés par les lois belges anti-discrimination [3]. Donner des informations exhaustives sur les traitements hormonaux ou des chirurgies à des jeunes personnes transgenres, est non seulement une obligation légale pour obtenir le consentement complet, libre et éclairé des jeunes mais est également une nécessité de santé publique. L’accès à l’information ne précipite pas les jeunes personnes transgenres dans du passage à l’acte, c’est même un temps de réflexion beaucoup plus pertinent que d’exiger des « preuves » de leur transidentité [4]. Il n’est pas à confondre « qui je suis » avec « que désirais-je éventuellement pour m’épanouir dans ma corporalité ». L’une et l’autre question sont d’ailleurs vécues autant par les personnes cisgenres que transgenres.
Remettre en question la légitimité de celle-ci pose d’emblée un cadre de suspicion sur la relation entre la jeune personne transgenre et la/le professionnel.le.
Et pourquoi la question de la légitimité de l’identité de genre n’est-elle posée qu’aux seules personnes transgenres ? Parce que notre société est encore basée sur le postulat que les êtres humains sont hétérosexuels, cisgenres et dyadiques [5] par défaut.
Et si nous reprenons un des exemples mis en avant essayant de prouver le « danger » de reconnaître l’identité transgenre à un.e jeune comme les vestiaires de cours de gymnastique : un discours qui se voudrait scientifique ne poserait pas au même niveau de qualité, d’une part les croyances et les peurs de l’ignorance et d’autre part les savoirs et accompagnements professionnels respectueux. Les craintes et les peurs de certain·e·s n’ont jamais constitués une base de référence scientifique. La question fondamentale des vestiaires est plutôt : Pourquoi des vestiaires collectifs ? Pourquoi faire subir à des enfants, à des jeunes transgenres et cisgenres, le non respect de leur intimité ?
En tant que société répondant à des valeurs démocratiques, nous ne pouvons pas imposer un modèle psycho-médical allant à l’encontre des valeurs qu’elle véhicule...
Ou alors les droits humains et les libertés fondamentales ne seraient-ils légitimes que pour les individu·e·s conformes à la norme dominante ?
Confondre doute et information respectueuse, ne pas respecter l’identité de genre d’un être humain quel que soit son âge et essayer de l’influencer afin de modifier sa vision est une thérapie de conversion ni plus, ni moins. Et c’est interdit.
Des terminologies respectueuses.
Nous constatons également un manque fondamental de connaissances terminologiques. La connaissance approfondie des distinctions à faire entre les notions de base que sont les sexes/variations des caractéristiques sexuelles, les identités de genres, les orientations sexuelles et les expressions de genres est l’étape préliminaire afin de pouvoir aborder adéquatement le sujet.
User encore de terme d’ « identité sexuée », datant de références conceptuelles du XXe siècle, démontre très clairement d’une impossibilité de l’encadrement du discours adapté aux connaissances psychologiques, sociales et médicales actuelles.
Utiliser « dysphorie de genre » au lieu du terme respectueux « transgenre » fait croire qu’un diagnostic psychiatrisant équivaudrait à une identité propre et légitime, vécue par la personne elle-même.
Ce genre d’amalgame confirme que le cadre des enseignements et des pratiques psycho-médicales se base encore sur une normalisation binaire en terme d’identité de genre et de caractéristiques sexuelles.
En 2019 d’une part, la Belgique a été condamnée sévèrement par deux comités onusiens concernant le non respect des droits fondamentaux et les procédures de normalisation médicale imposées aux personnes intersexes. Il est urgent d’établir un cadre juridique de protection des droits fondamentaux des personnes intersexes en adaptant la législation afin que la Belgique se conforme à ses obligations internationales [6]
D’autre part, la Cour constitutionnelle demande à la Belgique de réaliser l’égalité complète entre les différents genres des personnes qu’elles soient cisgenres (femmes, hommes) ou transgenres, non-binaires, au genre fluide et entre les différents sexes des personnes qu’elles soient dyadiques (mâles, femelles) ou intersexes. Une refonte de la prise en compte du genre par le droit civil doit être programmée. La loi dite trans doit être modifiée afin de supprimer les dispositions discriminatoires à l’égard des personnes non binaires et fluides. Il s’agit d’adopter une terminologie respectueuse des droits des personnes trans*, en distinguant ce qui relève de la modification du genre enregistré de ce qui relève des caractéristiques sexuelles des personnes (incluant les variations intersexes), desquels l’état civil n’a pas à connaître. [7]
Il est vraiment temps de changer de paradigme.
Certain·e·s usent et abusent de paradoxes et d’interprétations contradictoires. D’une part, iels refusent aux jeunes personnes transgenres un traitement hormonal approprié à leur âge dans de bonnes conditions éthiques, médicales et d’informations et d’autre part, iels mutilent les corps des enfants intersexués.
Des suivis et accompagnements psychosociaux respectueux.
Un accompagnement respectueux des personnes transgenres, quel que soit leur âge, doit obligatoirement être basé sur 3 principes : le respect des droits humains et libertés fondamentales, le respect de la loi belge des Droits du patient [8] et l’autodétermination.
Accompagner une personne dans son cheminement vers son point de confort doit être marqué par un profond respect envers son identité présente s’affinant au fur et à mesure de sa vie. Notre rôle à jouer en tant qu’associations et professionnel·le·s est de fournir à la personne les outils les plus scientifiques, exhaustifs et à jour afin qu’elle puisse, elle-même, « faire un choix éclairé de ... ». Le choix n’est pas d’être transgenre ou pas mais bien sur l’action de telle hormone et sur ce qu’elle ne fait pas. Séparer les infos et les intox et apprendre à la personne à pouvoir les reconnaître est fondamental. La personne accompagnée ne doit jamais tomber dans une forme de « dépendance thérapeutique » mais pouvoir affiner son esprit critique afin de prendre une place entière dans la société.
Pour-suivre les in-formations
L’information et l’accompagnement des parents devraient se faire essentiellement en dehors du milieu hospitalier par du personnel formé aux droits humains. [9] Des brochures d’information existent [10]. Le chemin est encore long pour atteindre l’égalité. Nous nous rendons bien compte qu’il y a un grand besoin d’(in)formation. Genres Pluriels propose des ateliers de sensibilisation aux transidentités et aux intersexuations. [11]
Notre société a connu récemment plusieurs évolutions libérales respectueuses des identités individuelles et du droit à disposer de soi. Avortement, homosexualité, PMA, mariage pour tous·tes, euthanasie. Ces évolutions ont été systématiquement précédées de discours conservateurs alarmants, annonçant de profondes perturbations sociales au cas où elles seraient adoptées. Ces propos catastrophistes se revendiquent volontiers de concepts psychanalytiques et des droits de l’enfant. Ils caricaturent les soins médicaux en interventions brutales, insensibles et irréversibles et sont soutenus par des organisations religieuses radicales et des groupes politiques d’extrême-droite.
L’expérience montre qu’il s’agit-là d’arguments utilisés à mauvais escient et que les catastrophes régulièrement annoncées ne se sont pas vérifiées. Au contraire, les nouveaux droits acquis libèrent la parole, favorisent les rencontres sociales comme militantes et élargissent le champ des libertés de chacun·e. Ils ouvrent le choix de solliciter - ou non - une aide psychologique ou médicale dans un rapport sain avec le thérapeute. Cela contribue naturellement à améliorer notre santé et réduit nos souffrances psychiques, y compris le recours au suicide.
Une identité de genre est profondément individuelle, ressentie et non prouvable en tant que telle. C’est notre humanité. Elle ne se vote pas à la majorité !
LISTE DES SIGNATAIRES :
- Londé Ngosso, administrateur co-fondateur de Genres Pluriels
- Max Nisol, psychologue, co-fondateur et administrateur de Genres Pluriels
- Aurel Werler, administrateur de Genres Pluriels
- Aurore Dufrasne, psychologue et sexologue, Genres Pluriels
- Tommye Ritter, administratrice de Genres Pluriels, Technico-commerciale
- Élisa Gully, psychologue, Genres Pluriels
- Zélie Huvelle, psychologue, Genres Pluriels
- Maxence Paquot, secrétariat de direction, Genres Pluriels
- Ghyslaine El Moutaani Co-présidente RainbowHouse Brussels
- Hilde De Greef Co-présidente RainbowHouse Brussels et Co-voorzitster RainbowAmbassadors
- Jean-François Cannoot Coordinateur RainbowHouse Brussels
- Les employé·e·s de la Mac de Mons asbl
- Nomi De Meulemeester Maison Arc-en-Ciel de Namur et Queer Bubble (collectif de pair-aidance Q/LGBTI*)
- Rose Charlier, chargée de projet à la Maison Arc-en-Ciel du Brabant wallon
- Axel Vanderperre UTOPIA_BXL
- Ex Aequo
- Let’s talk about non-binary
- Sylvie Aerts Rainbowfriends
- Le collectif 8 mars Namur
- Loan Lissens, co-président du Cercle LGBTQIA+ de l’ULB et également au nom de « CHEFF asbl »
- Thomas Piérard au nom de Fédération Laïque de Centres de Planning Familial (FLCPF)
- Planning familial Infor-Femmes
- Claire Bernis Coordination générale pour le Plan F
- Dr Eric Picard Pédopsychiatre
- Dr Hanna Ballout Médecin Généraliste
- Dr Alessandra Moonens médecin membre du réseau PMSTI belge
- Dr. Antoine Chaumont Médecin généraliste
- Dr Maxence Ouafik médecin généraliste et chercheur à l’université de Liège
- Dr Manuella Cobbaut médecin généraliste
- Myriam Monheim Psychologue
- Isabelle Gosselin, psychologue et chercheuse a l’observatoire du sida et des sexualités
- Olivier Mageren, sexologue
- Alice Van Caillie, ergothérapeute
- Ernest Hoang, agent de production horticole
- Louise Lefebvre, étudiante Assistante Sociale.
- Kiara Petit—Erskine, étudiante Sage-Femme
- Laurène Girard-Chauvin, étudiante Sage-femme
- Chloé De Bruyn Graphiste
- Rose-Catherine Simon citoyenne
- Michel Dufrasne citoyen
- Xavier Deremier citoyen
- Patrick Roels citoyen
- Anne Debelle, informaticienne
- Amandine Ricail, femme transgenre, employée
- Manu Gonçalves citoyen
- Clarebots Julie, informaticienne
- Ashley Butcher, informaticienne
- Marie Mespreuve Menuisière
- Philippe Romagnolo retraité du SPF Finances
- Annalisa Casini, Professeure de psychologie à l’UCLouvain
- Anne Debelle, informaticienne
- Bosman Thierry infirmier, militant intersexe, co-fondateur Intersex Belgium et rapporteur auprès des Nations Unies (CRC et OHCHR)
- La MAC de Charleroi