Présentation de la conférence
Les sociétés occidentales fonctionnent aujourd’hui dans une catégorisation à deux genres et à deux sexes, le binôme « homme-femme » et le binôme « mâle-femelle » y étant perçus comme strictement superposables dans une adéquation entre genre et sexe, entre culture et nature. La conception actuelle du corps suppose aussi que la morphologie est, entre autres, sous l’influence du sexe, et ce pour tous ses aspects y compris jusqu’au non visible, jusque dans les os que nous prendrons comme exemple. Mais en a-t-il toujours été ainsi ? Nous verrons quand et comment une telle construction d’une représentation des femmes et des hommes s’est inscrite dans les discours scientifiques, dans cette « invention » d’une définition du sexe dont le 18e et le 19e siècles ont été les artisans. Nous verrons aussi comment cette construction a conduit progressivement à représenter et penser les femmes et les hommes comme radicalement différents, à faire des premières, seules, et compte tenu de leur rôle spécifique dans la génération, des êtres de nature, et des seconds, seuls, des êtres de raison. Nous évoquerons enfin comment, dans cette élaboration du genre, la concurrence entre femmes et hommes dans l’espace public et la peur récurrente d’une féminisation de la société dès lors qu’hommes et femmes se rapprochent dans l’espace social sont, elles aussi, décisives. Il en va des identités construites à partir du sexe, et de l’élaboration intellectuelle d’une différence de nature entre l’homme et la femme.
Présentation d’Evelyne Peyre
Parallèlement à ses activités de recherche en paléoanthropologie, Evelyne Peyre milite dans le mouvement féministe depuis 1977. En 1979-80, elle a participé au groupe Femmes et Sciences. Membre du comité d’organisation du colloque national Femmes, Féminisme et Recherches (Toulouse, 1982), elle a ensuite participé à la création de l’action thématique programmée Recherches sur les femmes et recherches féministes du CNRS où elle a été en charge (1986-89) du thème interdisciplinaire Biologie, anthropologie, ethnologie et préhistoire. Elle a fait partie du comité de rédaction du bulletin national d’information Études Féministes (1985-89) publié par l’APEF (Association Parisienne pour les Études Féministes). Elle a, par la suite, participé au Réseau Femmes pour la Parité qui est à l’origine de la publication dans le journal Le Monde du ’Manifeste des 577 pour une démocratie paritaire’ (10/11/1993). Depuis 2006, elle est co-responsable du séminaire Sexe et genre : pour un dialogue interdisciplinaire au carrefour des sciences de la vie et des sciences humaines et vice-présidente de l’Institut Emilie de Châtelet pour le développement et la diffusion des recherches sur les femmes, le sexe et le genre dont elle est la co-fondatrice (2006).
Elle mène, par ailleurs, depuis longtemps avec la généticienne Joëlle Wiels, une réflexion critique sur le concept de sexe dans la littérature scientifique ainsi que sur les relations entre le sexe et le genre (cf. publications).
Principales publications
– Evelyne Peyre et Joëlle Wiels, « Et un jour, peut-être, un autre sexe culturel dans la science », Pénélope, 4 (Les femmes et la science), 1981, pp. 83-85
– Evelyne Peyre et Joëlle Wiels, « Différence biologique des sexes et identité », in Actes du colloque national Femmes, féminisme et recherche, Toulouse, AFFER, 1984, pp. 818-823
– Evelyne Peyre, Joëlle Wiels et Jeanne Peiffer, « Approches féministes des sciences expérimentales », in Savoir et différence des sexes, Les Cahiers du GRIF, 45, 1990, pp. 117-128 et pp. 134-136
– Evelyne Peyre, Joëlle Wiels et Michèle Fonton, « Sexe biologique et sexe social », in MC Hurtig, M Kail, H Rouch (eds), Sexe et genre. De la hiérarchie entre les sexes, Actes du Colloque CNRS ’Sexe et genre’, Paris 1989, Editions du CNRS, 1991, pp. 27-50
– Evelyne Peyre, « Paris 1900 : Madeleine Pelletier une ’fervente’ de l’Ecole d’Anthropologie », in C Bard (ed), Madeleine Pelletier : 1874-1939 : Logique et infortunes d’un combat pour l’égalité, Actes du Colloque ’Madeleine Pelletier : 1874-1939, Université Paris VII 1991, Editions Centre National des Lettres (CNL), 1992, pp. 35-50 et 194-196
– Evelyne Peyre et Joëlle Wiels, « De la ’nature des femmes’ et de son incompatibilité avec l’exercice du pouvoir : le poids des discours scientifiques depuis le XVIIIe siècle ", in La Démocratie ’à la française’ ou les femmes indésirables (dir. E Viennot), Paris, Presses de l’Université de Paris VII, 1995, pp.127-157 + planches
– Evelyne Peyre, « Le rôle des femmes dans la science européenne. La ’nature féminine’ dans les discours savants du XVIIIe et XIXe siècles », in Femmes et sciences, Actes de La Semaine Européenne de la Culture scientifique : l’autre moitié de la science, UNESCO 1995, Publications ASTS (Association Science Technologie et Société), 1996, pp. 62-65
– Evelyne Peyre et Joëlle Wiels, « Le sexe biologique et sa relation au sexe social », Les Temps Modernes, 593, 1997, pp. 14-48
– Joëlle Wiels et Evelyne Peyre, " Sexe biologique et sexe social : le point sur les recherches ", Cahiers de la francophonie, 8 (Femmes en Francophonie, dir. M Pontault), Paris, Haut Conseil de la Francophonie/L’Harmattan, 2000, pp. 217-225
– Evelyne Peyre, " Anatomiquement correct ", La Recherche, Hors-Série 6 (Sexes : comment on devient homme ou femme), 2001-2002, nov., déc., janv., pp. 72-74
Evelyne Peyre, « Une mémoire enfouie dans l’os », La Recherche, Hors-Série 6 (Sexes : comment on devient homme ou femme), 2001-2002, nov., déc., janv., pp. 41-43
– Evelyne Peyre, « Du ’sexe’ et des os », in Féminin Masculin - Mythes et idéologies (dir C Vidal), Belin, 2006, p. 35-48